BENETEAU (3)

Publié le par Y. AUFFRET

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Ce troisième article consacré au groupe vendéen va s'attacher à vous décrire le processus d'analyse financière que j'utilise pour déterminer si un titre vaut le coup d'être suivi (et acheté) ou non.

 

Je regarde d'abord la rentabilité. Le ratio déterminant est le rendement du capital investi, ou ROE en anglais. Plus il est élevé, plus l'affaire est intéressante et a des chances de posséder un ou des atouts concurrentiels. A partir de 15% de rentabilité des fonds propres, l'entreprise passe le test avec succès.

 

Voici les scores qu'obtient Bénéteau (BEN) depuis 2005 :

 

 

Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010
ROE 25% 24% 27% 26% - 2% 7%

 

 

 

Que nous révèlent ces chiffres ? La rentabilité de Bénéteau (BEN) est exceptionnelle jusqu'en 2008. Cette rentabilité est de plus obtenue sans endettement, puisque le groupe a une situation de trésorerie positive au bilan. C'est généralement le signe de la présence d'un ou plusieurs atouts concurrentiels (cf articles précédents).

A partir de 2009, la crise du secteur de la plaisance, soit une chute de 50% du marché mondial, affecte le groupe de manière brutale. Mais, de par sa position de leader, la rentabilité, aidée par la croissance du chiffre d'affaires et des bénéfices, va remonter rapidement, sans toutefois rejoindre les niveaux d'avant-crise, je pense. La diversification dans l'habitat se développe rapidement et tire malheureusement vers le bas le ROE moyen du groupe. A terme, si on atteint les 20%, cela sera très bien.

 

Ensuite, mon deuxième filtre, c'est le risque. Et le risque est représenté avant tout par le niveau d'endettement. Le bilan nous permet de calculer ce ratio. Évidemment, moins il est élevé, mieux c'est. D'habitude je n'aime pas trop les sociétés endettées à plus de 50%. Nous avons vu ce qu'il en est pour Bénéteau : l'endettement est négatif, ce qui est une force. Cela permet à l'entreprise d'investir et de saisir des opportunités.

 

Une fois que je suis satisfait sur ces deux points (ROE > 15% et gearing < 50%) j'affine le processus en regardant les 3 marges : marge brute (MB), marge opérationnelle (MOP) et marge nette (MN). Je veux des niveaux supérieur ou égal à 40% pour la première, et à 2 chiffres pour les secondes si possible.

 

Voyons ce qu'il en est pour Bénéteau :

 

 

Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010
MB 49% 52% 51% 49% 50% 50%
MOP 12% 12% 13% 14% 1% 6%
MN 8% 9% 9% 10% - 1% 4%

 

 

 

La marge brute nous renseigne sur le niveau de compétition qui existe dans le secteur. Plus elle est élevée, moins il existe de concurrence et plus la société a des chances de jouir d'avantages compétitifs à long terme. Cela traduit aussi sa domination sur ses fournisseurs, notamment en termes d'achat de matières premières et de composants.

La marge brute ici est tout à fait satisfaisante de ce point de vue.

Les deux autres niveaux de marge passent eux aussi nos tests ou s'en rapprochent, sauf bien sûr à partir de 2009. Mais ces niveaux seront atteints ou dépassés à terme si l'on en juge par le plan Ambition 2015 qui a été dévoilé aux analystes début 2011.

 

Pour terminer, ces bons résultats en termes de marges et de rentabilité financière doivent être jugés à l'aune de la croissance des bénéfices (BPA, Bénéfice Par Action) et des dividendes (D) servis. On attachera davantage d'attention à la régularité de la progression qu'au taux de croissance.

 

 

Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010
BPA (€) 0.77 0.86 1.12 1.36 - 0.13 0.38
D (€) 0.264 0.296 0.39 0.43 0 0.12

 

 

 

Ce tableau n'appelle pas d'autres commentaires que ceux déjà évoqués plus haut, si ce n'est une règle de l'entreprise, observée pour l'exercice clôt au 31/08/2009 : absence de bénéfices = absence de dividendes.

 

Je prévois que pour l'exercice 2014-2015 qui se terminera le 31/08/2015 les records de 2008, tant en ce qui concerne les bénéfices que le dividende, seront dépassés.

 

Pour terminer, examinons les Free Cash Flows, ou flux de trésorerie disponible.

Je pars du postulat (contestable) que les flux d'investissements sont répartis à parts égales entre investissements courants et investissements de croissance. Je me base en fait sur ma connaissance du modèle économique de l'affaire et sur ce qui a été annoncé pour 2015, à savoir 500 M€ d'investissements sur 5 ans, dont 50 M€ chaque année (soit la moitié de l'enveloppe) pour les investissements courants.

A partir de là, et à l'aide du tableau des flux de trésorerie des états financiers consolidés on obtient le tableau suivant :

 

  2005 2006 2007 2008 2009 2010
Flux d'exploitation en M€ (a) 90 117 191 66 1 130
Flux d'investissements courants en M€ (b) 36 23 26 38 35 17
FCF en M€ (a-b) 54 94 165 28 - 34 113
FCF / action 0.65 1.14 1.99 0.34 - 0.41 1.36

 

La cyclicité de l'activité de Bénéteau transparaît dans ce tableau, ce qui en rend l'analyse malaisée. En fait l'analyse et la valorisation des Free Cash Flows est d'autant plus simple que le modèle économique et les flux sont réguliers. Notons néanmoins une tendance à la hausse, marquée d'à-coups. La gestion du BFR, en fonction des anticipations du cycle et de la demande est l'une des causes de cette irrégularité des cash flows.

 

La moyenne des FCF sur le cycle est de 0.85 € / action. Elle serait à 1.10 € / action en excluant l'année 2009, extraordinaire (pour mémoire, Bénéteau est sorti en 2009 de 15 années consécutives de croissance).

 

A quoi cela nous sert-il ? A tenter de valoriser l'affaire.

On peut s'y prendre de deux façons.

 

La première est d'utiliser les FCF à la place des BPA, les premiers reflétant mieux la réalité que les seconds quant à la capactié à générer des liquidités excédentaires pour une entreprise. Les bénéfices peuvent en effet être ponctuellement biaisés par des cessions d'actifs, des provisions exceptionnelles, des restructurations, etc., c'est-à-dire des éléments comptables n'ayant rien à voir avec des flux de trésorerie liés à l'exploitation. On divise alors le cours par le FCF / action et on obtient un multiple, comme le PER, obtenu en divisant le cours par le BPA. Plus ce multiple est faible, meilleur marché est l'action.

Par exemple, pour Bénéteau : à 15 €, avec un FCF / action de 1.10 € on a un multiple de 13.64. Encore une fois, plus les FCF sont réguliers et prévisibles, plus l'analyse est pertinente. 13.64 n'est pas spécialement bon marché.

  

On peut aussi prendre le problème à l'envers et se demander combien vaudrait aujourd'hui ce qui rapporte 1.10 € par an. Tout dépend s'il s'agit d'un actif sans risque, comme une obligation AAA, ou d'un actif risqué, comme une action. Car lorsque 2 actifs ont la même rentabilité, celui des 2 qui vaut le plus cher est celui qui est le moins risqué.

Il est de coutume de prendre en référence l'OAT 10 ans française comme actif sans risque (en France bien sûr). Son taux avoisine les 3.50 %. En considérant que l'action Bénéteau est plus risquée et en lui octroyant une prime de risque moyenne de 6 % (prime de risque du marché dans son ensemble), on obtient le taux qui va nous servir à actualiser ce qui nous rapporte 1.10 € / an.

  

Soit 1.10 x (1 / (3.50 % + 6 %)) = 11.58

 

1 action Bénéteau devrait ainsi valoir 11.58 €, disons entre 11 et 12 €.

Rappelons qu'il s'agit d'une hypothèse tenant compte de multiples variables et par conséquent ne doit pas être perçue comme étant la vérité.

Mais comme l'a dit W. BUFFETT : "Je préfère être à peu près dans le vrai que précisément dans l'erreur"

 

Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, la valorisation ne prend pas en considération la croissance. On parle ici de croissance qui crée de la valeur pour l'actionnaire, car elle se situe dans le cadre d'une franchise, soit une entreprise qui parvient à tenir à distance le concurrence. Dans le cas contraire, la croissance n'amène qu'à injecter davantage de capitaux qui ne créent pas, voire détruisent de la valeur (si, si, c'est possible), ce qui n'est pas le cas de Bénéteau.

 

Vous avez alors deux solutions : vous tentez de valoriser cette croissance, ce qui n'est pas simple et ne peut déboucher que sur une fourchette d'estimation bien plus large et sujette à caution que pour les FCF.

Ou bien vous vous dîtes qu'en achetant entre 11 et 12 € vous payez pour une action de qualité à un prix raisonnable et vous obtenez comme marge de sécurité la croissance à venir liée à la franchise. C'est ce que je fais.

 

Que faire alors si comme ces derniers temps l'action oscille entre 14 et 15 € ? Eh bien si vous achetez, je pense que vous "payez pour voir". En d'autres termes, vous accroissez votre risque en payant trop cher. De ce point de vue, je m'éloigne un peu de Phil FISHER et me rapproche davantage de W. BUFFETT.

Donc, si nous n'achetez pas, vous attendez. Et vous attendez que le cours baisse jusqu'à votre estimation de la valeur de l'affaire.

Dans le cas de Bénéteau, si le titre descend au-dessous de 12 €, il se pourrait, au vu de la croissance à venir, qu'acheter à ce niveau procure une rentabilité appréciable pendant disons les 5 prochaines années.

 

A bientôt

Publié dans Bénéteau

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